Tu posais ton gobelet de café sur la table et tu t'installais, posant ton mac et tes carnets à côté du gobelet. Tu soupirais et remontais tes cheveux en un chignon négligé avant d'allumer ton ordinateur. Même en vacances tu travaillais sur un projet qui te tenais à coeur, ce n'était pas un projet scolaire mais bel et bien ton propre projet que tu comptais présenter à un de tes professeurs, dans l'espoir de pouvoir décrocher un stage dans le plus gros journal de la ville. The Sydney Morning Herald. Ton rêve depuis que tu étais gosse. Tu ouvrais ton fichier et portais ton gobelet à tes lèvres, laissant le liquide noir et fort envahir ton palais. Tu picorais dans ton paquet de gâteaux en même temps et tu corrigeais quelques fautes sur ton fichier, avant de griffonner sur ton carnet. Tu voulais absolument intégrer ce journal et tu comptais bien de démarquer des autres candidats avec ce projet dont tu commençais à être fière. Et tu avais vu grand, tu proposais carrément une toute nouvelle rubrique politique, ça ne te faisait pas peur du tout, bien au contraire. Tu aimais les challenges, encore plus lorsque ça concernait directement ton avenir professionnel. Tu étais en train de relire ce que tu avais écrit lorsque tu sentais un regard sur toi, tu relevais alors la tête et tes yeux s'ancraient directement à ceux de Lou. Ton regard se durcissait aussitôt et tu te pinçais la lèvre pour ne pas soupirer bruyamment. Il était toujours là où tu l'attendais pas, et ça commençait à t'exaspérer. Il était à quelques mètres de toi et tu pouvais déjà sentir l'air s’électrifier autour de vous. Lou et toi, ce n'était pas une histoire simple. Bien au contraire. A une époque de ta vie, tu aurais tout fait pour lui. Maintenant, il ne représentait plus rien. Tu te reconcentrais tant bien que mal sur ton texte et bientôt, le jeune homme disparaissait de ta vue. Etre dans la même pièce que lui, aussi grande soit-elle, était devenu insupportable, ça te rappelait trop de mauvais souvenirs. Ta sœur, l'époque où vous formiez un beau trio, et l'instant où tout s'était brisé. Tu fermais ton Mac brusquement et jetais ton gobelet dans la poubelle non loin avant de prendre tes affaires et te sauver rapidement. Tu soupirais et baissais la tête, ne voulant pas croiser le regard de Lou. Tu prenais le petit couloir qui menait au salon de thé, mais au détour de celui-ci, tu rentrais violemment dans quelqu'un. Tu criais légèrement sous l'effet de surprise et retenais ton Mac tant bien que mal alors que tes carnets tombaient au sol. Tu n'avais pas besoin de lever les yeux pour deviner la personne qui se tenait face à toi. Tu reconnaissais encore son odeur entre mille. Tu plantais tes yeux dans les siens et affichais ton sourire le plus faux et insupportable possible. Lou, mais quelle belle surprise !

La fraîcheur hivernale mordait ta peau quelque peu mordorée alors que tu pénétrais rapidement dans la librairie. Un endroit de prédilection comme un autre pour tout étudiant qui se respecte. Néanmoins tu n'étais pas là pour étudier ni même farfouiller dans les mémoires d'un auteur déjà oublié. Loukas t'attendait au salon de thé afin de vous octroyer une pause nécessaire. Un rituel qui lui prenait de temps à autre lorsqu'il se sentait nostalgique du temps passé ou peut être anxieux du temps à venir. Cela dépendant des semaines et cette fois ci tu pariais sur la peur monstrueuse qui lui rongeait les entrailles lorsqu'il se mettait à penser à son futur dans la pègre. Tu étais presque arrivé sur les lieux lorsque ton regard fut attiré par une femme quelques mètres plus loin. Tu n'avais même pas pensé de t'y attarder plus longtemps pour reconnaître cette chevelure brune cascadant sur de frêles épaules. Izia Orwells. Ce qui te liait à cette étudiante était aussi doux que le goût d'un paradis partagé de même qu'il était aussi âpre qu'une haine désormais consumée. Cela faisait maintenant plusieurs années que l'amertume avait pris le dessus sur une amitié ignorée. Il avait suffit d'une seule crise pour que tu cesses le carnage qui risquait de s'imposer à vous tôt ou tard. Tu te souvenais encore des larmes ruisselants sur son visage et de sa voix douce brisant un silence devenu beaucoup trop lourd. Peut être que vous n'étiez pas faits pour être liés l'un à l'autre d'une quelconque façon que ce soit. Ou tout simplement peut être que ton désir de liberté avait saccagé la délicatesse de votre intimité. Tu n'en savais rien et certainement que tu ne voulais pas le savoir. Izia ce n'était plus que l'ombre de ce que vous aviez été. Désormais elle ne représentait rien d'autre qu'une tête à abattre, qu'un challenge parmi tant d'autres. Ou tout du moins elle représentait cette maison que bien souvent tu exécrais. Abbott, les épris de justice, quelle tendre ironie lorsqu'on découvrait à quel point leurs étudiants étaient tantôt corrompus tantôt utopistes. Izia était entre les deux et elle ne s'en cachait pas. Ses opales finissaient par se tourner vers toi sentant ton propre regard lui brûler la peau. Elle avait l'habitude de ses duels silencieux et haineux entre vous. Tu soutenais son regard quelques secondes avant que celle ci ne tourne la tête. Un sourire satisfait s'affichait sur tes lèvres alors que tu finissais par monter les escaliers quatre par quatre pour rejoindre Loukas. Quelques minutes plus tard tu te précipitais vers la sortie pour prendre l'appel urgent sur ton téléphone. Elle est toujours avec ... Ton corps percuta violemment celui de quelqu'un d'autre te stoppant dans ton élan. Tu fronçais les sourcils avant de baisser les yeux vers la femme en face de toi. Évidemment. Je te laisse Tu raccrochais au nez de ton interlocuteur avant d'affronter la brune du regard. Son ton était aussi sarcastique qu'hypocrite et ça t'arrachait un sourire particulièrement insolent. Izia Orwells ... inutile de parler de surprise te concernant, tu as toujours été d'un prévisible atroce Elle se penchait pour ramasser ses carnets non sans te fusiller du regard en passant. Tu la jaugeais du regard quelques secondes avant de ramasser une page de son journal. Celle ci tentait de la récupérer mais tu faisais bien deux têtes de plus qu'elle minimum et elle se rendit à l'évidence que c'était peine perdue. Tu reculais d'un mètre pour parcourir rapidement le contenu des feuilles dans ta main avant de la fixer en silence. Son journal. Ce projet elle le traînait depuis des années derrière elle autant comme un fardeau que comme une conquête. Tu étais là lorsqu'elle en avait parlé pour la première fois et tu te souviens encore de l'éclat dans ses yeux à ce moment là. Si tu permets je vais garder ça

Izia Orwells ... inutile de parler de surprise te concernant, tu as toujours été d'un prévisible atroce. Tu le fusillais du regard alors que tu ramassais tes affaires, te remettant au passage du choc de ta tête contre son torse. Tu te massais doucement le crâne en ramassant tes différents carnets. Heureusement pour toi, ton Mac n'était pas tombé, tu l'avais rattrapé de justesse. Tu allais ramasser le dernier carnet lorsque Lou s'en emparait bien plus rapidement que toi. Sérieusement ? Il savait très bien que tu tenais à ces carnets comme à la prunelle de tes yeux car ils représentaient plusieurs années de travail. Tu tentais de le récupérer, mais Lou était bien plus grand que toi. Lou, déconne pas. Tu avais perdu ton sourire ironique, parce que clairement, la situation ne te faisait pas rire. Vous aviez été proches à une époque mais maintenant tout était différent et vous étiez capables du pire lorsqu'il s'agissait de faire un coup bas à l'autre. Tu n'avais jamais réellement compris pourquoi tout avait basculé. Un ensemble de choses, puis tout avait basculé à cause d'une nana que tu ne pouvais pas supporter et que Lou supportait un peu trop bien. Tu n'avais jamais admis que la situation te faisait souffrir, parce que tu étais bien trop fière pour ça, mais tu avais perdu l'un de tes plus proches amis quelques temps après avoir perdu ta soeur, et tu ne t'étais jamais réellement relever de cette bataille. Écoute, tu peux me faire toutes les bassesses que tu veux, je m'en fous. Mais pas ça. Il savait tout ce que ça représentait pour toi, ce projet, tu l'avais lancé quand ta sœur était encore là et elle t'avait toujours soutenue, tu considérais que c'était aussi son projet à elle et personne n'avait le droit d'y toucher. Tu avais arrêté d'y penser lorsqu'elle était décédée, tu avais mis de côté ces carnets, ce projet parce qu'il te semblait tellement dérisoire que tu n'avais plus eu l'envie ni la motivation de le mener à bout. Tu t'étais replongée dedans il y a deux ans, quand tu avais enfin réussit à faire le deuil de ta sœur et de tout ce qui l'entourait. Tu n'avais pas la force de te battre contre Lou aujourd'hui, tu voulais juste qu'il te rende ce carnet et qu'il disparaisse de ta vue. Seulement, il n'avait pas l'air de vouloir comprendre, ou alors il était bien décidé à te faire du mal. Après tout, c'était certainement dans ses veines, ça ne pouvait pas être autrement quand on s'appelait Hawk. Tu restais pantoise devant lui alors que des bribes de souvenirs te revenaient en mémoire et tu les chassais rapidement. Vous qui étiez si proches, lui qui te consolait alors que tu n'arrivais pas à te relever de la mort de Camilla, toi qui glissais tes mains dans ses cheveux de manière impertinente, rien que pour le pousser à bout. Tu décidais de changer de tactique, aussi horrible soit-elle. Tu te mettais alors à crier pour attirer la foule vers vous. Lâche moi Lou mais t'es complètement malade ou quoi ? Le jeune homme te lançait un regard noir alors qu'un sourire carnassier et hautement provocateur naissant sur tes lèvres, alors qu'il te forçait à aller plus loin, à l'abri des regards. Tu te débattais pour qu'il lâche ton bras. Quoi ? T'as peur que je détruise ta réputation ? T'as peur que les gens voient ton vrai visage ? Un sourire malsain apparaissait sur tes lèvres alors que tu désignais le carnet. Rend le moi où je te promets que je m'arrêterais pas là. Tu tentais tant bien que mal de l'impressionner même si tu savais pertinemment que tu allais te brûler les ailes à jouer à ce petit jeu. Il était l'un des élèves les plus protégés de cette université, mais ça t'amusait beaucoup trop de le provoquer. Ça t'amusait tellement que tu en oubliais que toi, tu n'étais qu'une simple élève à qui il pourrait en faire baver encore de nombreuses années.

Izia. L’ombre de votre passé traînait dans votre sillage comme l’amertume d’une amitié définitivement enterrée. Tu te souviens de ses deux billes bleutées penchées sur toi, t’arrachant le privilège des premières lueurs de l’aurore. Son visage délicat brillait de malice alors que ses lèvres rosées s’étiraient en un sourire éhonté. Tu ne savais pas exactement à quel moment tout ça avait déparé, peut être que votre entité s’était fracassée au moment de l’accident. Ce mauvais virage, cette voiture finissait sa course quelques mètres plus loin et puis ce cri que tu n’oublieras jamais. Le sien. Elle savait avant même que l’évidence déchire le ciel devenu soudainement bien trop silencieux. Une seconde, c’est le temps qu’il a fallu pour lui ôter son pilier, son équilibre nécessaire. Tu te souvenais de tes bras qui s’étaient refermés autour de sa taille alors qu’elle se précipitait vers la carcasse enflammée. Tu l’avais stoppé dans son élan l’obligeant à se coller contre toi pour arrêter sa course folle, son hystérie périlleuse. Elle s’était débattue, quelques secondes, peut être même quelques minutes ou quelques heures avant de s’effondrer contre toi. Parfois l’esprit actionne un mécanisme de défense, un déclic qui permet à la conscience de fuir la réalité alors que le corps lâche comme une pauvre poupée de chiffon. C’était exactement ce qui s’était passé dans son cas. Tu te souviens de ses vacillements avant que sa tête retombe mollement contre ton torse et que ses jambes se dérobent son sous poids. Tu l’avais porté jusqu’à n’en plus pouvoir, brûlant ta peau, tes muscles et ta chair pour la mettre à l’abris de ce spectacle insoutenable. Il n’y avait ni remède, ni cure, ni guérison à une telle plaie. Cela rongeait chaque parcelle de sa peau et de son esprit torturé. Elle se shootait, telle une camée réclamant sa dose à cette douleur parce que c’était la seule chose qui lui restait. Une manière comme une autre de s’accrocher après une telle perte. Tu l’avais soutenu, épaulé, supporté à chaque seconde de chaque instant juste parce que c’était elle et parce que c’était toi. Le chemin avait été laborieux, semé des embuches de cet état léthargique dans lequel elle s’enfermait. Si certains tentaient de la secouer, lui faire reprendre conscience de la réalité toi tu t’étais contenté d’être là tout simplement. Tu te souviens encore de la dernière fois ou vos coeurs s’étaient aimés et surtout des mots qu’elle avait prononcé. Ce qui l’avait sauvé ce n’était pas des paroles, des cris et autres plaintes de la part de son entourage. Ce qui l’avait arraché de cette torpeur c’était la puissance de vos silences, la douceur de vos parfums l’un contre l’autre durant les nombreuses heures ou elle réussissait à s’endormir dans tes bras. C’est pourquoi lorsque ses yeux bleus s’enfonçaient dans les tiens à cet instant tu compris à quel point elle te haïssait. Pas seulement pour avoir son précieux bien entre tes mains mais pour avoir déserté de la manière dont tu l’avais fait. Il n’avait suffit d’un rien, simplement de la douceur d’une femme pour que ses démons reprennent le dessus. Peut être que c’était l’aveu de votre faiblesse, tu ne le sauras jamais désormais. Tu me supplies Izia ? Intéressant Certains ne comprenaient pas comment vous étiez arrivés à un tel niveau de rancune mais toi tu le savais. À force de trop aimer quelqu’un on finit par le détester et c’était exactement ce qui s’était passé. Izia, elle avait eu une place que personne jusque là n’avait réussi à décrocher et c’était cette sensation qui t’avait poussé à te retrancher lorsqu’elle s’était à demi dévoilée. Jalousie, un mot que tu exécrais toi qui tenais  bien  trop à ta liberté. Izia tentait de t’arracher ton carnet mais tu la dépassais de plusieurs têtes rendant ses efforts totalement vains. Tes opales la dévisageaient alors que ton visage affichait une insensibilité totale face à ses réclamations. Tu la connaissais mieux que personne et tu savais d’ores et déjà que ses lamentations ne duraient qu’un temps. Le cygne s’était transformée en rapace depuis longtemps. Il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour effectivement changer de tactique. Ses hurlements brisaient le silence du couloir tandis que tu observais ses talents de comédienne, légèrement blasé par un tel spectacle. Tu levais un sourcil tandis qu’elle continuait d’alerter une foule malheureusement invisible. Tu la fusillais du regard avant de l’attraper par le bras pour l’amener plus loin afin qu’elle arrête de se tourner en ridicule. Sa phrase t’arrachait un sourire insolent alors que tu lui lâchais le poignet délicatement. Ma réputation ? Je m’inquiétais surtout de la tienne. Entre toi et moi … à ton avis qui va t’on croire ? La question ne se posait même pas. Ton propre nom habillait cette université, université qui portait d’ailleurs ton blason et l’histoire de toute ta famille. Et comble de la suprématie tu faisais parti de l’élite, régnant avec tes confrères au sein de la maison la plus respectée de toutes les confréries connues de Sydney. Rhodes. Ne fais pas l’enfant Izia, on sait très bien tout les deux que tu gagneras pas sur ce terrain là Celle ci se contentait de proférer tes menaces et tu en profitais pour ancrer un peu plus tes yeux dans les siens. Le pire dans tout ça c’est que malgré vos déchirures, vos coups bas, il y avait toujours cette sensation que tu ne t’expliquais pas. 
 Tu avais été là, dans l’ombre, à chaque fois qu’elle s’était retrouvée dans une situation plus que délicate. Elle avait deviné certaines de tes combines, tu n’en doutais pas mais tu préférais ne pas en faire cas. Tu me menaces ? Sérieusement ? Tu lui offrais un sourire malicieux avant d’éclater de rire. Tu sais quoi Orwells ? Tente. Qui sait ? Tu arriveras peut être à m’amuser Ton sourire jonglait entre charme et provocation avant que tu tournes les talons sans lui accorder une seconde supplémentaire. Elle n’allait sans doute pas te lâcher aussi facilement mais il était temps qu’elle comprenne que toi tu en avais fini avec elle.