feat. Lucille

« Écoutez boss, je suis vraiment désolé, mais mon père vient de découvrir que je travaillais en parallèle à mes études et il l'a vraiment mal pris, donc il m'a demandé d'arrêter parce qu'il a peur que je rate mon année. J'aurais bien voulu pouvoir continuer avec vous, mais j'ai beaucoup de respect pour mon père, c'est pour cela que je suis venu vous parler, voir si on pouvait trouver un accord. » Et c'est sur ce gros mensonge que je mettais fin aux trois derniers mois de contrat qu'il me restait sans payer une indemnisation quelconque, dupant aisément mon boss. J'pensais vraiment qu'il allait me cramer ou qu'il n'allait pas se montrer compréhensible, mais au final il a été super sympa avec moi. Après, il faut se dire qu'il n'a pas perdu grand chose étant donné que je ne branlais rien de toute la journée et que je faisais le stricte minimum, juste qu'il ne le savait toujours pas. Enfin bref, j'sortais tout content du premier rendez-vous de la journée parce qu'aujourd'hui c'était mon jour de travail et qu'il m'avait quand même laissé filer. Et comme je n'ai pas prévenu l'autre bar -avec lequel j'ai déjà signé mon contrat sans même savoir si j'allais être autorisé à partir-, bah c'était parfait, vu que j'allais devoir y être pour travailler dans tous les cas. J'avoue avoir joué avec le feu sur ce coup-là, parce que j'aurais très bien pu me retrouver sans aucun des deux bars, mais finalement mon plan a bien marché. Et dire que j'allais toucher deux fois plus d'argent pour deux heures de plus...

J'ai eu besoin d'un peu moins d'une heure pour arriver, il devait être midi et je m'étais donné rendez-vous avec le proprio à 11h30, donc on va dire que je n'étais pas assez en retard pour me faire virer le premier jour. Il ne l'a pas mal pris, il ne m'a même pas fait la remarque d'ailleurs. Il s'est limité à me présenter l'établissement et me donner mes nouveaux vêtements de travail avant de s'en aller. Il m'a aussi dit qu'aujourd'hui on n'allait être que deux à servir -mis à part les personnes de la cuisine, qui étaient déjà là- à cause de je ne sais quel problème et que j'allais avoir je ne sais quel pourcentage de plus sur ma paie, bref j'men battais les couilles en fait. Le seul truc intéressant que j'ai retenu c'est que la personne qui allait travailler avec moi était du sexe opposé et qu'elle avait plus ou moins mon âge, donc je priais de tout mon coeur pour qu'elle soit bonne. Donc une fois qu'il m'a laissé les clefs et s'était barré, j'me servais une bière bien fraîche tout en glandant sur le comptoir, attendant de voir la tête de la fille qui allait venir.  Et hop, la porte s'ouvrait par une belle silhouette féminine que je parcourais du regard de bas en haut. Mission accomplie, elle était bonne. Mais le problème, c'est qu'une fois que j'étais arrivé à bien voir son visage, ma bière -à moitié pleine seulement- se trouvait déjà par terre. « Non mais je rêve ! » Sur les 4 840 600 habitants qu'il y avait dans toute cette putain de ville, il a fallu que ce soit elle.

you again ?

Hank & Lucille

feat. Lucille

À ma surprise, c'était ma voisine qui allait se charger de travailler avec moi aujourd'hui et non une fille quelconque. Super, me direz-vous, mais non. Cette fille-là, c'est le genre de voisine qui te prête son chargeur d'iPhone quand tu en as besoin, mais te le redemande pas quand elle veut le reprendre. C'est-à-dire, je dois le lui rendre, sauf que -j'avoue- la plupart des fois, soit je ne m'en souviens pas soit j'ai la flemme. C'est aussi le genre de voisine qui ne va pas hésiter à venir te gueuler dessus si tu mets la musique sur les baffles à 2h du matin, d'ailleurs c'est ce qu'elle n'a pas arrêté de faire hier. Elle va te traiter de tous les noms, jusqu'à ce que t'arrêtes. Normalement, ça devrait marcher au premier essai, mais quand c'est face à une personne comme moi, non. Je suis d'accord que j'peux être très chiant moi aussi et que des fois je dépasse la borne, mais croyez-moi, des fois elle est vraiment casse-couilles elle aussi. J'en avais parlé une fois avec Megan, et comme d'habitude elle m'a dit que c'était ma faute et que je devais m'excuser, mais comme elle n'a pas assisté à la scène elle ne peut comprendre à quel point la fille peut être désagréable quand elle s'énerve. Non je ne mens pas, je fais peut-être preuve de peu d'objectivité à ce sujet mais c'est la réalité. Elle a beau être super jolie et tout ce que tu veux, elle peut faire un effort pour me demander les choses plus gentiment.

Enfin bref, revenons à nos moutons. Le proprio était apparu quelques secondes après l'entrée de Lucille, du coup on n'a pas eu le temps d'exprimer notre mécontentement. Et heureusement pour moi, il n'a pas fait attention à la bière qui venait de tomber vu que c'était derrière le comptoir où je me trouvais. Le gars n'arrête pas de parler pendant un bon moment -il lui dit que j'ai fait X et Y, que je suis bon et qu'on devrait très bien s'entendre, bref du n'importe quoi- avant qu'elle ne vienne me serrer la main. On est très chaleureux ici, me disait-elle, sourire aux lèvres. Mon oeil ouais, ça sonnait tellement faux ahah. Et j'avais raison, parce que quelques secondes après -dès qu'il s'est cassé quoi- elle me prouvait déjà que notre journée allait être un enfer. « Super chaleureuse quand même. » J'y avais pas trop cru non plus en fait. Calme-toi Hank, tu finis la journée et tu démissionnes et tout est réglé. Pour le moment, il fallait se comporter correctement avec la jeune dame, mais ça n'allait pas être facile vu son caractère. Je n'avais juste pas envie de passer la journée à me prendre la tête et puis c'est tout. Donc -attention parce que j'allais mettre de côté toute ma fierté- je me dirigeais vers le bar, au même rythme qu'elle. Une fois munis de tout ce dont j'avais besoin, je commençais par presser deux citrons avant de foutre le liquide dans le shaker. Ensuite, un peu de vodka et de curaçao bleue avant de mélanger le tout et le servir dans le premier verre que j'voyais sur la table. « Tiens, ça va peut-être t'aider à moins me détester aujourd'hui. » disais-je, tout en lui tendant la main avec le verre et avec un petit sourire de garçon de six ans qui essaie de faire la paix avec le pote qui ne l'a pas fait goûter de son paquet d'Oreo. J'avais fait de mon mieux sur ce geste, après si elle kiffe pas la Vodka, c'est vraiment pas de ma faute.